Dès la cérémonie d'ouverture, les Jeux Olympiques ont parlé d'une voix forte, portant le message d'une démocratie riche de ses multiples origines et identités comme de sa culture. Elle a rayonné grâce à ses valeurs humaines, fruit de la Liberté d'expression, d'Egalité et de Fraternité. La pluie même n'a pas pu compromettre un spectacle largement inspiré de références picturales et théâtrales. Avec les danseurs de l'Opéra, notamment, l'exploit était déjà au rendez-vous. L'humour, également convoqué, a apporté sa touche de légèreté et brisé le cérémonial d'une ouverture qui était déjà, de toute évidence, un sport d'équipe. L'esthétique, au coeur des différents tableaux, n'était pas sans établir un pont avec le sport, là où une gestuelle, pour être performante, n'en est pas moins belle. Au-delà des médailles, elle participe de l'émotionnel et génère de l'engouement. 

 

Les sportifs, à la hauteur d'une histoire en train de s'écrire, ont saisi le relais. Tous savent combien il leur en coûte pour en arriver là. Tous savent combien leurs médailles sont le fruit d'un instant privilégié, heureux, un peu inattendu aussi, où l'on se révèle, soudain, à soi-même et au monde. Ils disent combien ces instants sont emprunts de "magie", combien ils cessent de s'y appartenir tout-à-fait. Ils sont le couronnement de longues heures et années d'entraînement, accompagnées de doutes et de souffrance, de sacrifices et de persévérance. Car jamais l'on est sûr de réussir, moins encore d'atteindre ce niveau. Ils ont appris à regarder derrière eux, à prendre conscience de leurs erreurs, de leurs progrès. Ils ont analysé leur pratique et développé une réflexion tactique ; ils se sont remis en question, mesurant le chemin parcouru et celui restant à parcourir, un long processus pour parvenir au meilleur de l'expression de soi.

 

Un parcours que les artistes partagent : ils connaissent la signification de cet instant "béni" où le plus difficile paraît facile. Cet instant rachète toute la souffrance et les heures où le doute est plus fort. Il concrétise la réalisation d'un vieux rêve, un temps où les sportifs ont appris à gérer l'effort physique et alléger par un travail psychique le poids du doute comme celui de la pression que représente l'instant présent, à l'heure de la compétition. Ils le gèrent d'autant mieux qu'ils transforment la clameur du public en un formidable encouragement à leur égard. L'enjeu y est d'autant plus fort que le temps est long pour y parvenir et l'urgence grandissante lorsque l'évènement a lieu tous les quatre ans. Conjuguer forces physique et psychique est  le prix de ces victoires. Elles sont à la fois les leurs et celles de ceux qui les ont soutenus, aidés à rebondir et à poursuivre. En dernier ressort, cependant, ces athlètes sont seuls à prendre le départ et à s'autoriser de dépasser leurs propres limites.

 

Les sportifs ont en commun l'amour pour une discipline et le sens d'une fraternité où, si l'on est concurrent ou adversaire, l'on n'est jamais ennemi. Ils savent ce qu'ils doivent à l'organisation collective, aux efforts consentis par les clubs et les fédérations, les entraîneurs et les psychologues à leur côté, jusqu'à la coordination de l'Etat et son soutien financier. Ils adhèrent à des règles et parfois, y dérogent, avec le sentiment que leur épanouissement le demande.

 

La beauté du geste révèle ce que ce dernier requiert de justesse et de vérité. Bien ciblé, bien réglé, il se dévoile dans un au-delà du savoir-faire dont l'athlète s'étonne lui-même, comme un artiste pose dans son travail, la triple question du mystère de la création humaine. Le geste, devenu énigme, pose la question du  : "Qui sommes-nous ?" Le plaisir faisant place à la souffrance, la rachète. Le succès donne confiance en soi et contribue à construire une identité capable de penser et agir le monde, de s'y exprimer. La beauté du geste, par sa dimension esthétique, contribue à ouvrir le chemin aux autres.